PHILIPPE CARON LEFEBVRE

Thanatopsis

Circa art actuel
2014, Montréal (QC)


(fr)

« Dans une petite pièce éloignée, s’érigeait, parmi d’autres éléments composites, une structure polyforme d’une hauteur approximative de cinq pieds. Une lumière fluorescente et aride éclairait l’ensemble. L’objet se composait de deux sections : la partie basse, blanche et lustrée, prenait appui sur le sol au moyen de quatre pattes triangulaires; la partie haute, de forme octogonale et d’un bleu translucide, était parsemée de petites ouvertures répétées. En son centre, quelque chose remuait doucement, paisiblement. »

Semblable à un vaisseau spatial modèle réduit apparaissant dans les récits de science-fiction, cette structure stoïque se révèle comme une énigme, comme un culte rendu à un animal sacré. Sur un fond d’univers parallèles, de récits dystopiques, de mondes terrifiants et de fiction spéculative, cet artefact pourrait être le vestige d’une civilisation passée ou celui d’une société future. Au croisement de l’archéologie et de la science-fiction, Thanatopsis évoque une temporalité indécise, suspendue, cryogéniser.

Vieux de millions d’années, le scorpion abonde en significations figurant tour à tour la mort, la résilience, la guérison et la régénération. L’observation du scorpion dans son habitacle nous montre qu’il est un véritable objet de fascination. Telle une sentinelle chargée de la surveillance de la chambre, munie de pinces et secrétant un venin mortel, cette créature apparaît menaçante et fatale aux yeux de plusieurs. Le scorpion est une figure obscure, sauvage et imprévisible, qui attire autant qu’il inquiète.

Autour de cette figure centrale, les œuvres réunies sont marquées par la symétrie et l’équilibre. Le terrarium est entouré d’objets picturaux et sculpturaux dont les schémas et les motifs évoquent les courbes et les volutes de la nature. Les dessins de pliage se composent de configurations complexes, analoguent à celles des structures évolutives et cristallines. Les sculptures, quant à elles, sont inspirées par les structures arborescentes : les motifs et les textures rappellent les ramures d’un arbre et les reflets irisés, la préciosité de certaines pierres ou de certains métaux. Leurs surfaces mystérieuses et volatiles semblent vivantes et venant d’une autre planète.

Artiste de la séduction et de l'exploration matérielle et formelle, Philippe Caron Lefebvre nous projette au centre d’un paysage paradoxal mi-naturel et mi-artificiel, où le visiteur devient l’acteur d’un récit fantasmagorique. Une aura de mystère se dégage de son travail, engageant plusieurs visions qui questionnent notre façon d’interpréter le monde qui nous entoure. Thanatopsis semble nous placer, tout à la fois, sous de favorables et de funestes auspices. Si l’artiste évoque par cette mise en scène un monde déshumanisé, il rappelle aussi que toute chose qui nous entoure résiste et s’adapte au fil du temps.

Par l’intermédiaire de la science-fiction et de la beauté et du déploiement des formes organiques et géologiques, Thanatopsis nous encourage à méditer et à repenser la nature environnante, l’évolution des vivants, l’obsolescence, la résilience et le futur.

Anne Philippon

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